La centrale nucléaire de Gravelines (Nord), le 11 avril 2025 ( AFP / Sameer Al-DOUMY )
Nouveau surcoût pour "le chantier du siècle" de la relance du nucléaire: l'électricien français EDF a revu en hausse la facture prévisionnelle du programme de six réacteurs EPR2, qui a enflé de 40% par rapport à l'estimation initiale.
A 72,8 milliards d'euros, ce nouveau chiffrage consolidé, hors coût de financement, représente une hausse de près de 8% par rapport à une précédente estimation datant de fin 2023, qui atteignait alors 67,4 milliards d'euros.
Au final, depuis l'addition initiale de 51,7 milliards d'euros publiée en 2022, le coût du programme aura donc flambé d'environ 40%.
Le programme de relance nucléaire annoncé en 2022 par Emmanuel Macron prévoit la construction de six réacteurs de nouvelle génération, en trois paires, à Penly, Gravelines puis au Bugey.
EDF, entreprise publique détenue à 100% par l'État, a toutefois précisé à la presse que ce nouveau chiffrage "avait déjà été défini comme étant le plafond" lors de discussions avec l'État.
Le groupe espère ainsi faire moins que ce "plafond", grâce à des pistes d'économies identifiées.
Avec ce "chantier du siècle", l'objectif est clair pour l'électricien, comme pour l'État-actionnaire: éviter la répétition des dérapages de coûts et de calendrier des précédents projets d'EPR menés par EDF. Symbole de ces dérives, celui de Flamanville a été raccordé au réseau électrique en décembre 2024 avec 12 ans de retards.
- "Provisions pour risques" -
Mais dans une interview au Figaro le PDG d'EDF Bernard Fontana assure que l'entreprise à "tiré les leçons du passé", et saura tenir "les coûts et les délais".
"Le montant total du devis est aligné avec l'enveloppe globale telle qu'elle avait été travaillée avec l'État", a pour sa part commenté Bercy, y voyant "le signe qu'EDF commence à avoir plus de visibilité".
Ce n'est pas l'avis des anti-nucléaires de Greenpeace qui parient déjà "que le coût final sera bien plus important", ne serait-ce qu'en comptant les charges d'intérêts, selon Florence de Bonnafos, chargée de mission économies et finances pour l'ONG.
Cette nouvelle addition intègre un "niveau de provisions pour risques", destinées à couvrir les aléas, "qui a augmenté", a expliqué Xavier Gruz, directeur exécutif chargé de la maîtrise d'ouvrage du nouveau nucléaire.
Pour autant, EDF fait aussi valoir que ce devis consolidé reflète des efforts "d'optimisations" et de simplification entrepris notamment grâce aux retours d'expérience des autres chantiers d'EPR d'EDF, à Flamanville et à Hinkley Point au Royaume-Uni, et grâce à de nouvelles organisations internes. De quoi permettre selon EDF de réduire les délais de construction de 96 à 70 mois par réacteur.
- Penly en 2038 -
Sur le calendrier, le groupe confirme en tout cas viser une mise en service du premier des six réacteurs, à Penly (Seine-Maritime), en 2038 (au lieu initialement de 2035-2037), avec un cadencement de 12 à 18 mois pour la mise en service des suivants.
D'ici-là, de nombreuses étapes restent à franchir.
Opérareur de la salle de contrôle de l'EPR de Flamanville, dans la Manche, le 14 janvier 2022 ( AFP / Sameer Al-DOUMY )
La première sera de soumettre le devis à un "audit approfondi" de l'État, lequel pourra formuler ses remarques à EDF dans les prochaines semaines. Bercy dit viser "d'ici fin mars" pour aboutir à un devis engageant pour EDF et l'État.
"Notre objectif commun, c'est de se mettre en ligne pour une décision finale d'investissement qui devrait être prise à la fin de l'année 2026", étape-clé pour lancer officiellement le programme, a précisé Xavier Gruz.
Le plus tôt serait le mieux pour Gwenaël Plagne, secrétaire (CGT) du CSEC d'EDF, qui déplore une décision politique d'investissement qui "patine", alors que le groupe engagera dès 2026, 2,7 milliards d'investissements consacrés aux travaux préparatoires et de conception.
"On espère qu'une décision (d'investissement, ndlr) puisse arriver rapidement pour que les délais soient consolidés", a-t-il déclaré à l'AFP.
Avant cela, il faudra préalablement le feu vert de la Commission européenne sur les aides d'État que pourrait recevoir EDF, et qui constituent une dérogation aux règles de la concurrence.
Le modèle de financement prévoit en effet un prêt avantageux de l'État finançant 60% des coûts de construction. Par la suite, les recettes d'EDF seront sécurisées par le biais d'un contrat à prix garanti par l'État sur 40 ans, permettant notamment de rembourser le prêt.

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